Au cours de cette étude, le but des chercheurs de l’équipe de Maria Arman était à la fois simple et inhabituel pour un service d’urgences d’un grand hôpital : améliorer la perception que les patients avaient de leur séjour. À cette fin, ils avaient le choix entre deux options. La première proposait un massage de 20 à 60 minutes à base de mouvements doux et circulaires sur les mains, les pieds selon leur désir ; la seconde consistait en de légères pressions de la main en différents endroits des pieds, des mains pendant trois quarts d’heure.
À l’issue de ces séances, la majorité des participants déclarèrent plus tard avoir éprouvé un sentiment « d’appartenance existentielle », de consolation, de relaxation et de réconfort. « Par le contact, on redevient homme », furent les mots du patient cité précédemment.
Même un bref contact corporel suffit à chasser un sentiment d’insécurité parfois profondément enraciné. En 2014, une étude réalisée à l’université d’Amsterdam par l’équipe du psychologue social Sander Koole a ainsi montré que le simple fait de poser la main une seconde sur l’épaule d’un patient au moment de lui tendre un questionnaire diminue son angoisse et lui inspire un sentiment de connexion avec ses semblables. Un effet particulièrement prononcé chez les personnes qui ne se sentent pas très sûres d’elles-mêmes.
Nos peurs aussi s’estompent en grande partie sous l’effet d’un contact. Un calmant naturel pour le cœur
La libération d’ocytocine n’est pourtant pas la seule réaction instantanée du corps, comme l’a découvert la neuroscientifique Tiffany Field de l’Institut de recherche sur le toucher de Miami. Voilà plus de trente ans que cette psychologue étudie les effets du contact corporel chez les nourrissons. À l’en croire, les massages font chuter le taux de cortisol, la pression sanguine et la fréquence cardiaque, un ensemble de facteurs qui reflète la charge de stress que subit une personne.
Surprenant effet antidouleur !
Les neurophysiologistes n’ont compris qu’au cours des dernières décennies comment nous traitons les signaux du toucher. Notre système nerveux n’enregistre pas seulement les propriétés sensorielles objectives de notre environnement, mais aussi la qualité émotionnelle d’un contact. À cette fin, la peau dispose même de capteurs spécialisés, des cellules nerveuses sensibles aux différentes caractéristiques des caresses.
Et il nous faut beaucoup de caresses pour être comblés !
Toujours en 2014, un autre groupe de chercheurs suédois, l’équipe de Chantal Triscoli, à Göteborg, a testé l’effet de doux effleurements répétés, à la vitesse de trois centimètres par seconde, sous le bras de volontaires. Elle a constaté que ces derniers trouvaient la chose toujours aussi agréable après 40 stimulations, mais que leur plaisir commençait à décliner à partir de 80 contacts. Au-delà de ce seuil, ils n’en demandaient plus.
Détail surprenant : l’identité de l’auteur des caresses importe peu. Selon Triscoli, les personnes testées ont autant de plaisir à être caressées par un être humain que par un robot au bras muni d’un pinceau. Le tout est de ne pas avoir à le faire soi-même, cette dernière solution représentant un pis-aller…
Enfin, un toucher adéquat semble avoir des effets réconfortants lorsqu’on se fait mal. Quiconque se cogne le coude ou le pied se frotte aussitôt la zone lésée, et les parents ont cette même attention pour leur enfant qui vient de tomber. Cela ne laisse pas de surprendre car si l’on s’en tenait aux effets réconfortants liés à la nature sociale du toucher, il n’y aurait pas de raison particulière, ni d’efficacité accrue, liée au fait de masser précisément l’endroit souffrant. La solution de cette énigme est venue d’une étude publiée en 2014, quand des chercheurs de l’université de Londres ont provoqué un échauffement local de la peau de volontaires à l’aide d’un laser (provoquant une légère douleur) tout en appuyant légèrement juste à côté de la zone ciblée. Ils ont observé que plus la zone pressée était proche du site douloureux, moins la souffrance était manifeste. Un effet analgésique de proximité qui semble corroborer la théorie dite du « gate control », imaginée dans les années 1960 : selon cette théorie, les stimulations tactiles réduisent la transmission des informations douloureuses dans la moelle épinière, sur leur chemin vers le cerveau. Selon une théorie complémentaire, c’est la concentration d’un neurotransmetteur, la sérotonine, qui grimperait et entraînerait des effets antalgiques.
Les massages qui chassent la peur !
Les effets du toucher pourraient-ils venir en aide aux patients souffrant de pathologies lourdes ? Une expérience menée auprès de 44 grands malades dans des hôpitaux de Suède et de Norvège a projeté un éclairage intéressant sur cette question. Patients opérés du cœur, atteints d’infections pulmonaires ou d’autres affections, étaient répartis en deux groupes. Les uns suivaient un programme de convalescence classique à base de repos, les autres se voyant prodiguer quotidiennement pendant une demi-heure des massages au niveau des mains et des pieds. De nombreux indicateurs physiologiques furent améliorés dans cette dernière condition, dont la fréquence cardiaque. Mais surtout, les prescriptions de tranquillisants et le sentiment de peur des patients ont baissé.
À en croire d’autres études, le toucher pourrait avoir des effets plus profonds encore. Ainsi, des chercheurs britanniques ont analysé les données de 300 patients d’un centre de médecine complémentaire de Lake District, dans le nord de l’Angleterre. La moitié d’entre eux souffraient de pathologies psychiques, les autres de cancers et une partie également rencontraient des problèmes d’orthopédie. L’ensemble de ces patients s’est vu proposer quatre séances de massage doux sur les parties douloureuses du corps, durant 40 minutes. Avant puis après ce programme, ils devaient répondre à des questionnaires sur leur vécu émotionnel. Ces derniers ont révélé que sur une échelle de 0 à 10, leur niveau de stress perçu avait baissé de 4 points, leur peur de 3 points et leur douleur de 2 points. Un résultat qui serait merveilleux si les difficultés de patients semblables n’ayant point reçu de massages avaient été aussi mesurées au cours de la même période. Mais hélas, cette mesure n’a pas été réalisée.
Quoi qu’il en soit, l’intérêt des massages semble de mieux en mieux reconnu en pratique clinique.
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